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Le Dragon d’or

10 avril 2014

L’INSOUTENABLE ÉGAREMENT DE L’ÊTRE

Élie Castiel
CRITIQUE
★★★

Deux parties séparent les spectateurs : d’une part, celle des sièges traditionnels, comme dans tous les théâtres ; de l’autre. des tables disposées comme dans un cabaret où l’on servira aux heureux élus un met chinois choisi parmi trois possibilités.

Le concept n’est pas nouveau, mais au Prospero, c’est du « jamais vu », d’autant plus que le principal intéressé s’est retrouvé au milieu des convives. Expérience étrange pour ainsi dire puisque notre rapport à ce qui se passe sur scène n’est plus le même.

Aimer ou ne pas aimer Le Dragon d’or, cela dépend de notre sensibilité, de notre perception de l’expérience théâtrale, de nos sensations face au théâtre de l’absurde et à ses multiples propositions. Toujours est-il que que la pièce de l’allemand Roland Schimmelpfennig suscite, du moins en ce qui me concerne, une sentiment de désorientation totale dû, après mûre réflexion, à une mise en scène axée sur une proposition rassembleuse entre la création et les spectateurs.

Entre ces derniers, qu’importe l’endroit où ils sont assis, aucune distance physique, aucun rapport de force. Les comédiens envahissent l’espace totale de la salle, se rapprochent des invités, leur servent à manger. Plus tard, ils se rangent du côté des autres spectateurs, se faufilent entre les rangées et finissent par transformer cette expérience scénique en happening post-moderne.

Même si ce n’est pas le cas, l’interprétation semble frôler l’improvisation. On évoque un certain théâtre de l’absurde où tout est accepté, qu’importe le niveau de conviction. Mais ce qui frappe le plus, c’est l’écriture, par moments ne donnant aucun sens à ce qui est dit. Les mots s’entrechoquent, les paroles se divisent, les phrases se perdent dans l’abondon. Et face à cet cacophonie de la représentation, le corps des comédiens se donnent totalement à cet exercice conceptuel totalement surréaliste. Ils font tous face aussi à une mise en scène de Mireille Camier qui, soyons honnêtes, a totalement assimilé l’esprit  désinvolte et engagé d’un auteur européen qui a compris les enjeux de son époque. Une ère incertaine, je-m’en-foutiste, sexuellement ambivalente, se dirigeant nulle part, vivant l’instant présent.

Et dans tout cela, une dent, oui c’est bien de cela qu’il s’agit, d’une dent, mais qui ne cesse d’importuner tout ce beau monde, y compris les spectateurs ébahis et conquis.

ESSAI | Auteur : Roland Schimmelpfennig –Mise en scène : Mireille Camier – Décors/Accessoires : Julie-Ange Breton – Assist. aux costumes : Marie-Josée Goulet – Montage Son/Vidéo : Alexei Rioux, Marc Couturier – Éclairages : Renaud Pettigrew – Comédiens : François Olivier Aubut, Jean-Antoine Charest, Carmen Ferlan, Amélie Langlais, Luc Morrissette| Durée : 1 h 40 (sans entracte)  – Représentations : Jusqu’au 26 avril 2014 – Prospero (Salle principale).

MISE AUX POINTS
★★★★★ (Exceptionnel) ★★★★ (Très Bon) ★★★ (Bon) ★★ (Moyen) (Mauvais) O (Nul) ½ (Entre-cotes)

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